Bénin : des microcrédits pour lutter contre la pauvreté

Le Bénin mise sur la microfinance pour lutter contre la pauvreté et développer le pays. Par le truchement d’un programme de microcrédits aux plus pauvres qui fait couler beaucoup d’encre et de salive à cause de ses performances remarquables. Explications.

Le Programme de microcrédits aux plus pauvres (Pmcpp) relève d’un engagement du candidat Boni Yayi lors de la présidentielle de mars 2006 au Bénin, pour faire de la microfinance, un outil stratégique de développement et de lutte contre la pauvreté. La suite on la connaît. L’idée a fait boule de neige et six ans après sa mise en œuvre, partisans et adversaires sont unanimes sur la pertinence de cette intervention sociale inédite au Bénin. De partout, on vient apprendre des Béninois qui ont su trouver la formule pour «favoriser l’accès à des services financiers fiables et viables, à une majorité de ménages pauvres ou à faibles revenus ainsi qu’à des micro entrepreneurs traditionnellement exclus des circuits financiers classiques à cause de la faiblesse de leurs moyens. Et ce, sur l’ensemble du territoire national. Grâce à des institutions de microfinance (Imf) pérennes et pleinement intégrées au système financier».
Lors du démarrage du programme en 2007, le président de la République avait expliqué les tenants et les aboutissants de fort belle manière. « Lors de mes visites dans le Bénin profond, j’ai pu me rendre compte des conditions réelles de vie des populations. J’ai pu noter l’existence d’un fort taux de chômage des jeunes et un faible niveau du pouvoir d’achat tant en milieu rural qu’urbain. J’ai également pu constater que le manque de revenus a fait perdre espoir à bon nombre de nos compatriotes, particulièrement les jeunes et les femmes. Face à ce constat, vous comprenez dès lors mon engagement à développer les grands travaux à haute intensité de main-d’œuvre, à valoriser nos vallées, à diversifier notre agriculture, à promouvoir les logements sociaux et à créer les conditions d’un environnement favorable aux affaires, afin d’impulser les investissements privés, créateurs d’emplois », dixit Boni Yayi.
Pour le président béninois, « le développement de la microfinance, véritable outil de lutte contre la pauvreté, permet de toucher directement et à moindre coût ceux-là mêmes qui de par la précarité de leur situation économique et sociale, se sentent exclus de la vie nationale ». Pour rendre ces idées opérationnelles, un Fonds national de microfinance (Fnm), est créé pour piloter cet ambitieux projet et renforcer les capacités financières et opérationnelles des institutions de microfinance (Imf) afin de les rendre accessibles aux populations les plus démunies des villes et campagnes du Bénin. Lesquelles pourront dorénavant entreprendre des activités génératrices de revenus porteuses de croissance, d’espoir en des lendemains meilleurs.
Depuis son lancement en février 2007, le Programme de microcrédit aux plus pauvres (Pmcpp) bénéficie d’un engouement remarquable de la part des populations cibles. En août 2010, il représente 80 % des activités du Fnm, soit 40 milliards de francs Cfa (environ 62 millions d’euros) sur les 50 milliards de ressources placées au profit des bénéficiaires tous produits confondus. Avec près d’un million de bénéficiaires au 30 juin 2013, ce programme est sans doute l’une des concrétisations des ambitions du gouvernement pour l’amélioration des conditions de vie des populations cibles. Et pour cause. Six ans après son lancement, l’évaluation globale du programme est positive au vu des changements réels observés au niveau des bénéficiaires toutes tendances confondues.
Une expérience qui fait école
En partant du constat que, près d’un million de nos compatriotes des deux sexes n’ont juste besoin que du minimum, trente à cinquante mille francs Cfa (45 à 90 euros) pour entreprendre une activité génératrice de revenus, le Fonds a développé une stratégie qui est payante aujourd’hui. Et pour cause. De la sous-région et d’ailleurs, on vient partout s’instruire de l’expérience béninoise pour en faire autant chez soi. Idem pour les partenaires techniques et financiers qui manquent des mots pour louer le génie béninois en matière dans cette innovation majeure en matière de microfinance et de lutte contre la pauvreté. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette expérience novatrice fait école dans la sous-région et à l’étranger eu égard à la longue liste de ceux et celles qui sont venus de partout s’instruire.
Pour la petite histoire, 675 000 personnes ont déjà bénéficié de ce programme pour un cumul d’activités de trente-cinq milliards de francs Cfa (environ 539 millions d’euros). Cet encours de crédits constitue, selon le ministre béninois de la Microfinance et de l’Emploi des jeunes et des femmes, le volume d’activités menées par le Fonds national de la microfinance (Fnm) depuis sa création à ce jour. Quand on sait que la dotation de base du Fnm est de quatorze milliards de nos francs (environ 22 millions d’euros), force est de louer le dynamisme et la performance du Fnm qui a pu grâce au système de réinvestissement des crédits remboursés, atteindre cet encours de crédits.
Ainsi, les 675 000 personnes impactées ont toutes reçu au moins une fois, le premier crédit de 30 000 francs (45 euros) pour un montant total de plus de vingt milliards de francs (plus de 30 millions d’euros). Parmi elles, 254.693 personnes ont reçu le premier renouvellement de 30 000 francs pour un montant total de de plus de huit milliards de francs (près de 13 millions d’euros) et 154 000 personnes ont déjà passé le cap des deux dernières fois 50 000 francs pour un montant de huit milliards de nos francs.Tous ces montants cumulés dépassent un encours de crédit estimé à plus de 35 milliards de francs (près de 54 millions d’euros).
Success stories
Selon un bénéficiaire au quartier Zongo à Parakou, avant il s’approvisionnait à crédit pour son petit commerce. Mais depuis qu’il est au programme, il achète désormais au comptant. Ce qui fait prospérer ses activités.
La main sur le cœur, une autre bénéficiaire dans la commune de Gogounou, dans l’arrondissement de Sori, observe, « avec les revenus issus des microcrédits, j’ai pu constituer un capital personnel de plus de 65 000 francs Cfa (environ 100 euros) dans un intervalle de trois mois. Ce qui m’a permis de diversifier mes activités de vente de produits laitiers (Fromage et lait) ».
Pour une autre bénéficiaire dans la commune d’Abomey, « grâce aux microcrédits aux plus pauvres, j’ai pu renforcer mes étalages de marchandises ; ce qui m’a permis de faire beaucoup de bénéfices et par conséquent de meubler mon salon de coiffure ».
« Je suis vendeuse de poisson fumé. J’avais l’habitude de m’approvisionner auprès d’une autre dame et ceci me revenait très cher. Mais aujourd’hui, grâce au programme, j’ai pu avoir suffisamment de ressource pour m’approvisionner directement au bord de la lagune et fumer moi-même le poisson. Je participe également à l’éducation de ma fille qui était à la maison. Ma vie au foyer s’est améliorée et je me sens épanouie », déclare Jeanne, bénéficiaire à Cotonou.
Pour le directeur du Fonds national de la microfinance Jean Comlan Panti, « la pauvreté et le chômage sont deux menaces permanentes majeures pour la paix durable et la stabilité de l’humanité…Personne ne doit ignorer cette réalité et chaque acteur, en fonction de son positionnement stratégique, de ses avantages comparatifs et de ses moyens, se doit à sa manière de contribuer à les combattre dans un élan de conviction, de détermination et d’innovation. Ainsi, les acteurs du système financier ne doivent pas se faire prier pour jouer leur partition, car sans paix, point d’affaires et sans affaires, point de profit ».
La vision ici étant notamment de construire dans le pays, un secteur financier solide répondant aux normes internationales et respectant les standards de l’espace de l‘Union économique et monétaire ouest-africain (Uemoa), aux dires du directeur général du Fnm.
Très satisfaite du travail abattu jusque-là, Mme Françoise Assogba, ministre de la Micro finance, de l’Emploi des jeunes et des femmes, a récemment exhorté les travailleurs du Fnm au cours d’une descente sur le terrain, « à porter le Fnm à un niveau plus élevé. En finançant par exemple l’agriculture pour garantir de l’emploi à la jeunesse ».
Grâce aux effets économiques du programme, on assiste à une augmentation des revenus du ménage, sous la direction de la femme, ce qui contribue à l’amélioration du bien-être familial.
Les femmes arrivent à contribuer aux charges familiales telles que, la scolarisation des enfants (55 % des cas) ; la prise en charge des besoins de santé (42 %) ; l’amélioration de l’état nutritionnel (52 %) ; l’amélioration de l’état de logement (le revêtement du sol de l’habitat (37 %)) et l’accès à l’eau potable (32 % des cas).
Même si le secteur de la microfinance au Bénin a connu par le passé des performances remarquables pendant plus d’une décennie, il brille aujourd’hui par un dynamisme qui ne saurait occulter tout de même quelques manquements, quelques entorses à l’orthodoxie financière, à l’éthique et à la déontologie. Vivement des mesures pour assainir un secteur qui constitue tout de même, un créneau porteur voire une niche par ces temps de grisaille. Afin que ce beau ne soit pas galvaudé et dévoyé pour devenir un vulgaire outil aux mains des politiques.
Commentaires