Crise économique au Bénin : Le ras le bol des artisans
De l’entrepreneur au diplômé sans emploi en passant par la femme de ménage et le citoyen lambda, la crise économique n’épargne personne au Bénin. L’argent ne circule plus comme par le passé, si bien que les artisans et autres champions de la débrouille et des petits boulots, beaucoup plus chanceux en d’autres temps, ont fini par jeter l’éponge et se résigner, après avoir essayer moult stratagèmes sans succès.
Contrairement à ses habitudes, Joseph Dékoungboto, chef maçon de son état, spécialisé dans la réalisation de briques préfabriquées et autres lucarnes entrant dans la construction des bâtiments, avait la mine renfrognée cet après-midi. Le sourire familier habituel avait disparu pour céder la place à un air grave pour une raison toute simple : «ça ne va pas dans le pays, les affaires ne marchent pas», d’après le chef maçon.


Assis à l’ombre d’une paillote dans l’angle droit du rectangle que formait l’exposition de ses briques, sur le banc qui lui sert quotidiennement de siège, après les échanges de politesse, l’homme dévoile son amertume. « Ce matin, je suis arrivé au travail aux environ de 8 heures, il est maintenant plus de 16 heures. En tout et pour tout, je n’ai vendu que deux lucarnes à raison de 450 francs l’unité soit 900 francs Cfa (1,30 Euros). Mes deux apprentis ont dépensé 400 francs pour leur déjeuner et moi-même je suis obligé de rester à jeun pour que mes enfants puissent dîner le soir », explique-t-il découragé. Jérémie est pourtant propriétaire de sa maison. Il reconnait n’avoir jamais exercé deux métiers dans sa vie : « Je ne vais quand même pas abandonner le métier qui m’a permis de vivre et de réaliser tout ce que j’ai à mon actif », après plus de vingt ans d’activités.
A 500 mètres environ de l’infortuné, se trouve l’atelier de Benjamin, un électricien motos. Même air de désolation, le regard fuyant, l’homme faisait semblant d’être occupé à faire une réparation pour donner le change. Fil électrique et porte clé en main, des bribes de paroles lui échappèrent à la question de savoir comment il se portait. En langue locale fon il répondit par un proverbe: « Un chien affamé ne s’aurait guère s’amuser avec ses semblables rassasiés ». Je n’ai pas envie de parler », affirma-t-il. Avec l’intervention de Jérémie, il a fini par lâcher deux phrases sans en rajouter un seul mot. « Je n’ai rien fait depuis le matin. Aller dire au chef de l’Etat que le peuple a faim », conclut-il.
Chez son voisin Ernest S., réparateur d’engins à deux roues, la situation semble moins alarmante. Ce qui ne l’empêche pas de nous confier la main sur le cœur que ses affaires évoluent en dents de scie. Certains jours, il fait de bons chiffres, mais d’autres, c’est la grisaille, et il a moins d’une dizaine de clients qui passent pour de petites réparations… En bon croyant, il prie beaucoup pour conjurer la crise financière et économique.
Un marché en chute libre
Accroupis jusqu’au niveau du moteur d’une moto “Mate“, il n’a eu de temps pour nous parler que les quelques détournements de regard qu’il fait vers l’arrière pour nous répondre. « Ça chauffe partout. Seulement notre cas est particulier. Les gens sont obligés de sortir de chez eux. Dans leur va et vient, il arrive que leur moto tombe en panne. C’est dans cela que nous autres mécaniciens nous mangeons », déclare-t-il avec modestie.
La situation de dame Assiba n’est guère reluisante. Loin s’en faut ! Rencontrée sur les lieux, dans son atelier de couture, elle affirme se débrouiller avec le peu de travail qu’elle trouve. Car les gens ne vont pas sortir nu dans la rue. Seulement, avec la crise, la clientèle se raréfie. Les femmes préfèrent les friperies à moindre coût et ne viennent coudre chez elle que pour des cérémonies, communion, baptême, mariage, enterrement où elles doivent porter des tissus de circonstance sous forme d’uniforme. Ce qui nous laisse la portion congrue d’un marché en chute libre à cause de la friperie et de la morosité de la vie économique. Comme dirait l’autre, plus rien ne va, faites vos jeux !
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