La vente à la sauvette ou le commerce de la course contre la faim

Article : La vente à la sauvette ou le commerce de la course contre la faim
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14 mars 2013

La vente à la sauvette ou le commerce de la course contre la faim

À défaut d‘être au centre des préoccupations lors de la journée internationale de la femme, l’activité génératrice de revenus qu’est la vente à la sauvette, mobilise de nombreuses concitoyennes, bien que source d’autonomisation pour la femme, n’est pas dénuée de risques.

Vente à la sauvette
Vente à la sauvette à un carrefour de Cotonou
Vente à la sauvette
Vente à la sauvette à un carrefour de Cotonou à la tombée de la nuit

Akpakpa, Poste kilométrique 3,5 au carrefour de la poste du Bénin. Sept heures ce mercredi du mois de mars.  La circulation commence déjà par s’intensifier. Aux abords de ce grand carrefour de Cotonou Est, sont discrètement exposés des étalages de denrées alimentaires comme du pain, des fruits mais également, divers produits pour les besoins de l’usage domestique. Point n’est besoin pour celui qui dans un véhicule voudrait acheter ces marchandises de s’arrêter pour stationner. Profitant du ralentissement des véhicules, plusieurs femmes se précipitent vers les automobilistes et leurs passagers pour proposer à l’achat divers articles.

Entre la quinzaine et la quarantaine d’années, ces revendeuses ambulantes exercent leurs activités pour joindre les deux bouts comme on le dit vulgairement ici.  Blandine, dix-sept ans, s’adonne à la vente à la sauvette depuis quatre ans. D’un ton calme et posée, elle explique que c’est grâce à cette activité qu’elle arrive à s’assumer. « Je peux gagner jusqu’à mille francs (1, 60 euros) par jour », indique-t-elle.

Élève en classe de quatrième, elle s’adonne à cette activité à ses heures creuses.  Sans fonds de commerce, elle s’approvisionne à crédit et règle sa facture le soir. « Lorsque je ne vais pas à l’école, je viens vendre ici. Je propose des marchandises comme du pain ou des fruits aux passagers des véhicules. Nous avons des  grossistes qui nous livrent les marchandises et à la fin de la journée, nous leur faisons le point de la vente de la journée. Par exemple, je prends du pain à quatre-cent cinquante et je revends à cinq-cents francs. Donc sur chaque pain vendu, je gagne cinquante francs. Le reste de la marchandise je le restitue et le lendemain je reviens à la charge » raconte-t-elle. Si non je viens quand je n’ai pas cours. L’argent que je gagne me permet d’aider mes parents à subvenir à certains de mes besoins », raconte-t-elle, visiblement fière de mener une activité économique en dehors des classes.

Elles sont nombreuses, ces femmes qui, comme Blandine,  procèdent ainsi pour subvenir à leurs besoins. Très tôt le matin, elles vont chercher des articles et prennent d‘assaut les grands carrefours de Cotonou à la recherche de leurs pitances. En prenant d’énormes risques sous le soleil voire bravant parfois la pluie pour proposer des articles à la clientèle que constituent les passagers des nombreux véhicules en circulation sur cet axe routier, Ainsi, elles courent toute la journée à la recherche des acheteurs. Inhalant les fumées des gaz d’échappement des véhicules sans se soucier des dégâts éventuels sur leur santé.

Courses poursuites aux abords des routes

Un taxi allant sans doute vers Sèmè ralenti pour prendre un passager dans les environs du carrefour « la Poste » à Akpakpa. Une horde de vendeuses à la sauvette se rue sur lui. Un passager, hésita un instant, puis d‘un geste de la main, fit appel à une vendeuse d‘oranges. Après discussions le marché est conclu. Pendant que Jeanne, la vendeuse, tend la marchandise à son client, le chauffeur du taxi relance son moteur et démarre. Elle s’élance alors à la poursuite du véhicule pour livrer sa marchandise et encaisser.

« C’est ainsi que cela se passe tout le temps », explique-t-elle heureuse d‘avoir réussi à vendre à un client. « J’ai vendu pour deux-cents francs. Je gagne presque vingt-cinq francs de bénéfice sur cette vente. Si je réussis à vendre à quarante personne dans la journée, je suis à mille francs », explique-t-elle contente de bien commencer sa journée.  Elle raconte ensuite que les chauffeurs refusent parfois de patienter pour que les passagers finissent leurs achats avant de reprendre la route. Toute chose qui fait courrir le risque de se faire ramasser par un autre véhicule où que des gens de mauvaises foi emportent l’article sans en avoir payé le prix.  Malgré ces risques Blandine explique vilubile : « je dois faire quelque chose pour soulager les dépenses de mes parents pour ma scolarité ». Cette adolescente estime également  qu’elle doit faire cela pour aider ses parents, même si cela comporte des risques. « Je sais que ce n’est pas bien de vendre ainsi mais, faire faire ? », s’interroge-t-elle avant d‘ajouter : « qu’est-ce qui est sans risque dans ce monde…».

Assiba, la trentaine, mère de trois enfants renchérie et précise que c’est la meilleure manière de vendre. « Pour assurer les besoins fondamentaux de nos enfants, nous sommes contraintes de venir ici, qui pour aider les parents, qui pour vendre espérant que le soir, nous pourrions préparer et manger à notre faim » raconte-t-elle tout en se sauvant vers une voiture qui vient de garer. « C’est un client potentiel », explique Blandine qui, à son tour court vers le même véhicule.

Pratique dangereuse

Jérôme, chauffeur de taxi condamne la vente à la sauvette. Pour lui, c’est une situation à corriger : « C’est vraiment dangereux pour ces gens de se faufiler entre les véhicules pour chercher des clients, alors qu’elles n’ont pas la garantie que ces véhicules vont s’immobiliser. Elles courent des risques d’accident. Si la police pouvait faire quelque chose on éviterait des accidents du fait de l’imprudence de ces femmes, qui parfois ont un bébé au dos ».

La présence des forces de l’ordre n’inquiète pas outre mesure ces vendeuses qui bravent le danger. Tout se déroule sous le regard discret des agents de la police urbaine, occupés plutôt à réguler la circulation où à contrôler les pièces des véhicules. Approché l’un d‘entre eux indique que l’activité serait interdite mais il n’avait pas reçu mandat pour réprimer la pratique tout en se réservant de tout autre commentaire pour ne pas s’attirer les foudres de la hiérarchie, très tatillonne sur ces questions.

La vente à la sauvette, activité informelle par excellence, mais génératrice de revenus, contribue à nourrir une frange non moins négligeable de la population béninoise. Source d‘autonomisation pour la femme, elle gagnerait à être mieux organiser pour éviter à ses acteurs, majoritairement des femmes, de nombreux désagréments..

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