Entretien avec un fermier atypique: ‟La Maison du paysan travaille à restaurer l’économie villageoise …”

Article : Entretien avec un fermier atypique: ‟La Maison du paysan travaille à restaurer l’économie villageoise …”
Crédit:
19 février 2013

Entretien avec un fermier atypique: ‟La Maison du paysan travaille à restaurer l’économie villageoise …”

A travers  le concept révolutionnaire de ‟la maison du paysan”, Michel Babadjidé, fermier vétérinaire atypique est en train de provoquer une véritable révolution dans le secteur agricole national. En bouleversant des habitudes séculières, des règles immuables et des tabous pour proposer un modèle singulier qui pourrait assurer l’autosuffisance alimentaire à chaque ménage et à la nation toute entière, grâce à la généralisation de l’agriculture familiale.

 

Le vétérinaire fermier
Le vétérinaire fermier dans sa basse-cour

vétérinaire fermier2 vétérinaire fermier 3Monsieur Michel Babadjidé, en tant que fermier vétérinaire, quel regard portez-vous sur la politique agricole nationale ?

Dr Michel Babadjidé :

Un regard d’observateur. La politique nationale en matière d’agriculture a été initiée par des cadres béninois. La dernière en date, est le plan stratégique pour la relance du secteur agricole. Avant d’en arriver là, il fallait disposer d’une politique agricole nationale qui fixe des objectifs qualitatifs et quantitatifs. Par rapport à la taille de notre population et des performances existantes. Par exemple, on pouvait dire le taux d’exploitation du cheptel est de tel ordre. Puisque que nos vaches, ne donnent que 3 litres de lait par jour. D’ici à l’horizon 2015, il faut qu’elles en produisent 15 litres quotidiennement. Au regard de cela, quelles stratégies mettre en place ? On pouvait aussi dire par rapport à la taille de la population, nous avons tels indicateurs dans tels domaines, il faut qu’ils soient améliorés pour attendre tel niveau à telle période. Idem pour l’exploitation agricole et les acteurs. En disant par exemple il y a actuellement 100 exploitants de niveau moyen, à l’horizon 2015 ou 2020, il faut passer à 10.000 acteurs. C’est autour de pareils objectifs qu’on pouvait asseoir une stratégie au plan national et l’affiner pour booster le secteur agricole. Mais, hélas, on a procédé autrement. Pourvu que cela marche.

D’après vous, que faut-il faire pour rendre l’agriculture performante et compétitive afin qu’elle devienne véritablement le moteur de la croissance économique, et partant, du développement durable ?

Dans un pays comme le nôtre, nous avons un potentiel inexploré : une climatologie complice, des terres, des bras valides et une volonté manifeste d’une certaine frange de la population qui veut encore aller à la terre. Tous ces éléments réunis, devraient constituer une force pour l’agriculture. Mais nous ne sommes pas organisés et n’arrivons pas à tirer  le meilleur profit de cette situation.

Dans un pays comme le nôtre, l’agriculture devrait être de type familial comme c’est le cas ici à la maison du paysan.

Nous n’avons pas les machines, les outils, la technologie européenne n’est pas adaptée. Donc, il faudrait centrer l’agriculture sur la famille. Surtout que nous avons cette chance que les 80% de notre population sont des analphabètes travaillant la terre, deux heures à peine par jour. Si on pouvait les amener à travailler cette terre quatre à six heures au quotidien, comme dans le cadre de la maison du paysan. Nous aurions atteint l’autosuffisance alimentaire. En produisant abondamment pour chaque ménage, pour toute la nation. Grâce à des ‟maisons du paysan” qui se regrouperont en ‟village des paysans”. La production excédentaire pourra être ainsi exportée.

Sinon une petite minorité va continuer à s’échiner sur la production industrielle, sans pour autant réussir à assurer la survie de la masse. Or nous devons atteindre l’autosuffisance alimentaire pour réduire le chômage des jeunes et réduire la misère, la pauvreté en milieu rural.

Justement, depuis quelque temps, vous développez un concept : celui ‟la maison du paysan”. Qu’est-ce à dire concrètement ?

‟La maison du paysan” n’est rien d’autre que ce que devrait être la maison d’un vrai paysan.

Tout est parti d’une inspiration. Pendant mes études universitaires, le mélange des espèces animales en élevage, m’a été interdit. Alors que de son vivant, mon grand père maternel avait une maison dans laquelle, il élevait plusieurs espèces animales ensemble, avec succès. Suite à des difficultés financières personnelles dans le temps, je me suis mis à m’interroger sur ce qu’il fallait faire pour relever le défi et aider les paysans à sortir de leur pauvreté. C’est ainsi que l’idée de procéder autrement m’a inspiré.

La maison du paysan a été créée dans les années 2000 à Lokossa et a fait et continue de  faire son petit bonhomme de chemin. La maison du paysan a une superficie de 700 mètres carrés sur laquelle sont élevés ensemble, des lapins, des poulets, des pintades, des dindons, des cabris, des porcs, des canards, des aulacodes, des pigeons. Et ce, dans une synergie parfaite. D’autant que cette maison produit chaque année 230 à 300 lapins à partir de 56 lapines mères ; 65 à 70 porcelets à partir de 3 truies locales qui n’ont rien à envier aux truies importées de race améliorée telle que la large white et le land race ; 200 à 210 aulacodes à partir de 20 femelles ; 2200 à 2300 poulets, pintades et dindons à partir de 20 poules locales, 50 pintades et 6 dindes. Sans oublier de nombreux pigeons qui par leur envol, jouent le rôle de ventilateurs naturels de la lapinière, de l’aulacoderie et de toute la maison du paysan.

Quels sont les tenants et les aboutissants de ce nouveau concept ?

La maison du paysan se positionne aujourd’hui comme l’épicentre de l’économie villageoise. Aussi, ambitionne –telle de devenir l’institution de formation par excellence qui forme le paysan à la valorisation des valeurs traditionnelles.

Le principe de base repose sur les synergies, les équilibres biologique et microbiologique créés au sein de tout un ensemble pour générer de la valeur ajoutée dans le monde rural. Contrairement aux idées reçues dans les écoles et facultés d’agriculture à travers le monde. Les poules locales et les dindes sont utilisées comme incubateur biologique pour couver des œufs de pintades. Les porcs consomment les intestins des lapins abattus et les peaux des lapins sont utilisées pour produire des asticots. Lesquels sont utilisés pour renforcer l’alimentation des volailles. Ces dernières bénéficient aussi du gaspillage occasionné par les lapins et les aulacodes. Nous faisons appel à des techniques d’élevage simples basées sur les lois universelles, le comportement et la physiologie animale pour produire 3000 poulets vivants en 6 mois à partir de 10 poules. Ce qui tient aujourd’hui du rêve de tout paysan. Et c’est un savoir que nous devons promouvoir.

A ‟la maison du paysan”, nous avons développé des savoirs adaptés, des savoirs améliorés qui amènent le traditionnel à un niveau de rentabilité. Ce que l’université n’a pas réussi à faire.

Une véritable révolution au niveau de l’agriculture familiale?

Avec la mise en œuvre de ce nouveau concept, c’est une véritable révolution qui a commencé au niveau de l’agriculture familiale et les spéculations agro pastorales. Et cela pourrait assurer à terme l’autosuffisance alimentaire des ménages et sortir les producteurs de la misère et de la pauvreté.

‟La maison du paysan” reçoit par ailleurs des stagiaires, des universitaires, des élèves des lycées techniques agricoles, des formateurs, des encadreurs pour le secteur rural et des éleveurs de toutes catégories. En effet, depuis 17 ans, le promoteur de la maison du paysan a opéré des remises en cause pour adapter les connaissances académiques à la réalité villageoise. En découlent, un savoir et un savoir-faire utilisant les synergies et exploitant l’équilibre d’un microbisme auto-entretenu entre les différentes espèces animales d’élevage. Ce qui permet de maximiser les produits de l’élevage tout en garantissant la rentabilité des spéculations agro pastorales pour faire de ces dernières, des activités génératrices de bénéfices qui doivent renforcer les revenus des populations rurales et non des activités génératrices de revenus tout court.

Du temps de nos grands parents, les poules locales pondaient jusqu’à 20 œufs et les couvaient bien. Alors qu’après plus de cinquante ans d’indépendance, ces mêmes poules arrivent difficilement à pondre 10 œufs. D’où la proposition d’une nouvelle alternative pour la lutte contre la pauvreté monétaire et organisationnelle en milieu rural dénommée purement et simplement la maison du paysan.

Depuis la validation du concept en février 2012, le cap est mis sur le village des paysans qui s’établirait sur deux ou trois hectares et regrouperait des maisons du paysan avec des variantes. Dans ce village, on rencontrerait des paysans heureux vivant mieux que des ingénieurs agronomes, à la faveur de leurs activités génératrices de bénéfices. Car, nous restons persuadé que le village est à la

Quelle crédibilité accorder au concept de ‟la maison du paysan”?

Une mission de l’Institut national des recherches agricoles du Bénin (Inrab) a validé le concept le 16 février 2012. Suite à la requête des directeurs généraux du Cerpa Mono-Couffo et de la Société nationale pour la promotion agricole (Sonapra). Sur la base de l’analyse de la situation, cette mission a proposé à l’Inrab de valider le concept afin de permettre aux autorités chargées du développement agricole du Ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche (Maep) de procéder à sa vulgarisation. Toutefois, aucune œuvre humaine n’étant parfaite, la mission recommande que l’Inrab entreprenne des recherches d’accompagnement du système de production de la maison du paysan par des recherches complémentaires d’action et de développement appropriées. Ainsi, l’évaluation des paramètres socio-économiques et de la compétitivité de la maison du paysan doit être entreprise par l’équipe du Programme analyse de la politique agricole (Papa).

Que diriez-vous pour mettre un terme à cet entretien?

A l’étape actuelle, nous n’avons utilisé que nos propres moyens. Il faut que la maison du paysan cesse d’être la chose de Babadjidé pour devenir une réalité nationale et pourquoi pas, africaine.

Partagez

Commentaires

TOTO Kouadio luc
Répondre

tout simplement fabuleux! A bientot

Hamidou
Répondre

Mes félicitations pour cette initiative. Je pense que je ne suis pas loin de vos idées. Merci de m'encourager.

Maiga ramata
Répondre

Une initiative salutaire pour toute l Afrique!merci pour babadjide!que l Afrique avance!!!

Modou alkass
Répondre

Dr. Vous avez trouve la meilleure formule pour atteindre l'autosuffisance alimentaire pour le pauvre paysan mais ...c'est l'Afrique...bon courage dr.